jeudi 8 janvier 2009

Shadowrun ou l'attraction post-humaine

Je suis un fréquent joueur de jeux de rôle. Un de ceux auquel j'ai le plus joué se nomme Shadowrun. J'ai eu comme pas mal de gens de ma génération ma petite période cyberpunk. A rêver des promesses des technologies futures, à craindre les dérives technologiques évidentes. On peut à mon avis affirmer que le cyberpunk est le premier sous-genre de la science fiction à passer de l'état d'anticipation à celui d'uchronie. Shadowrun est un jeu dont l'action se situe entre 2050 et 2070. On peut y jouer (entre autres choses) ce que l'on nomme un streetsam, un samouraï des rues. Il s'agit d'un humain ayant remplacé de nombreuses parties de son corps par des prothèses artificielles plus performantes que leurs équivalents naturels: meilleurs yeux, meilleurs membres, peau renforcée, etc... afin de devenir une arme ambulante.

La première édition de ce jeu date de 1989. A l'époque l'action était placée en 2050. Les futuristes téléphones portables étaient disponibles, en tant qu'équipement sophistiqué, et leur poids indiqué était de 2 kilo. On ne pouvait pas se connecter à un réseau de façon sans fil, la mémoire de stockage était durement limitée. Au fil des éditions, ces erreurs ont été gommées tandis que notre monde, pour diverses raisons, prenait le chemin d'un futur un peu plus radieux que l'univers dystopique décrit dans les livres Shadowrun.

La Science Fiction a elle aussi un peu changé depuis. On y trouve toujours des cyborgs, ces humains améliorés par l'adjonction de prothèses sur-humaines. Ils sont au coeur de ce que l'on nomme le transhumanisme : dépasser la condition humaine en changeant toutes les variables biologiques qui peuvent l'être. Rapidement, comme c'est souvent le cas en SF, les auteurs ont poussé ce concept à son extrême limite et ont imaginé un détachement complet des contraintes biologiques. On se met alors à parler de post-humanisme. La philosophie s'est également invitée (on lit beaucoup Nietzsche dans ces cercles) Comme beaucoup de lecteurs de SF, je me suis plongé dans ce mouvement qui est dans la continuation logique de ce que je crois et je sais du monde. Dans ce petit monde, transhumanistes (qui veulent améliorer les humains) et posthumanistes (qui veulent le dépasser) s'affrontent. Les premiers traitent les autres de fanatiques, les seconds accusent les premiers de courte vue.

Ayant recemment appris que Shadowrun était sorti sous une 4e édition, je suis retourné voir sur des forums de joueurs comment cet univers évoluait. Un débat bénin en apparence sur un point de règle m'a beaucoup amusé. Il est possible en 2070, entre autres implants, de se greffer dans le crâne un circuit aidant à certaines tâches intellectuelles comme la compréhension d'une langue étrangère, la botanique, ou encore le pilotage de tel ou tel véhicule exotique (en termes de jeu, cela permet à un joueur de bénéficier de bonus lorsqu'il tente des tâches pour lesquelles il n'a pas la compétence associée mais dispose du logiciel d'aide correspondant) Un grand débat entre joueurs s'est établi pour déterminer si cet implant remettait ou non tout le système en question : disposer d'une compétence sans avoir à y dépenser de points d'experiences ressemblait à un raccourci dommageable à beaucoup, c'était la condamnation à l'obsolescence de tous les personnages ne s'équipant pas de cet implant. Selon certains (pourtant peu dérangés par le principe du streetsam équipé d'un torse artificiel, d'yeux et d'oreilles cybernétiques, de nerfs en fibre optique) c'était rendre beaucoup trop artificiels les personnage.

Les avenirs transhumains et posthumains semblent avoir une force d'attraction immense sur tout ce qui concerne l'anticipation.

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